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GEORGES SAADA |
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INCANDESCENCE DE L’ENIGME
Poèmes
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© Georges Saada, 2011 |
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« Peut-être nul mot ne convient-il mieux à la poésie
que celui de mystère. »
Ungaretti
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ENVOL |
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Il y a bien un mystère
Dans le parcours du moineau
Qui jaillit subitement
Des profondeurs d’un arbre
Sautille allègrement à nos pieds
Et feignant d’ignorer
Notre lourde présence
Pose sur nos peines
L’insouciance du vent
Avant de se perdre
Mine de rien
Dans l’infini |
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LE FLEUVE |
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Le sang qui fait battre le cœur de la terre
Le souvenir étincelant de mondes éteints
L’harmonie offerte aux ingrates cités
L’espérance qui sourd des antres de la nuit
La rumeur de la vie face aux rêves évanouis
N’est-il pas tout cela
Ce fleuve qui fend le temps
De sa lance infinie |
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FIGUIER |
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Le figuier luxuriant
Aux feuilles tourmentées
Par le vent
Moins émouvant
Qu’aux jours glacés où
Silhouette ascétique
Il abritait la mort
En attendant en silence
La transfiguration |
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PRIERE |
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Apprends-moi la patience
Qui fait croître les arbres
Apprends-moi la paresse
Qui arrête le temps
Apprends-moi l’étonnement
Qui rejoint l’innocence
Apprends-moi le silence
Qui permet la moisson
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LE POEME |
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Un instant de silence
Emerveillement
Regard de connivence
Sur l’univers
Brisant d’un éclair
Le poids du temps
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CREPUSCULE A VENISE |
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Vertiges de mort et de fête pérenne
La lagune recueille le sang des palais
Où rôdent nos rêves flamboyants
Sombres gondoles emportées par le temps
Nous voguons sur une sourde musique
Soudain ouverts à une brise d’éternité
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SANTORIN |
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1
Terre de cendres
Aux lumineux vignobles
Aux maisons de soleil
Gravées dans des rocs de sang
Toi que j’approchais avec crainte
Tu m’as offert ton visage le plus radieux
Alors qu’ailleurs frappait le destin
2
Villages souriants
Au bord de l’abîme
Colliers de perles
Au front des brunes falaises
3
Fira se détachant
Toute blanche
Des roches calcinées
Tel le corps éblouissant d’une femme
De l’étreinte de la nuit
4
Et dire que tu as surgi
Des entrailles fulminantes d’un volcan
Noire pieuvre assoupie sur
Les miroirs aveuglants de la mer
O frêle et suffocante félicité
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A Elly |
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RETOUR A POROS |
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Nous retrouvons ces lieux
Où reposent nos rêves
Et remontent les sèves
Des moments lumineux
Là où passent les bateaux
Comme des vies sereines
Eclatantes mouettes
Qui respirent la mer
Là où piégées s’endorment
Les morsures de la mort
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ET SOUDAIN |
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Et soudain
Le trou noir
Dans la trame
Du jour clair
L’aile sombre
De l’orage
Sur le verre
De la mer
C’est la main
Qui vous pousse
Dans le gouffre
Bien amer |
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SOUFFLE |
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Ce fut longtemps
La mer Morte
Puis vint le Souffle
Qui ébranle les âmes
Et les arbres assoupis
L’oiseau fuit sa branche
Et le cri fuse enfin
De la gorge serrée
Du poète muet
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FOLIE |
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Le pays est mort de folie
Avec sa mémoire et ses mythes
Lettre d’amour incendiée
Des excavatrices sillonnent
D’immenses terrains vagues
Bordés d’immeubles et de rêves éventrés
Et l’on croit voir des ombres figées
Là où jadis habitaient les moineaux |
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TORTUE |
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Tel un poète nonchalant
Une tortue se promène
Dans le verger de nos rêves
A la recherche sans cesse
Des étincelles de l’Enigme |
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LA MORT |
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Déjà au temps de l’enfance aux yeux clairs
Alors qu’elle me cachait son visage de cire
Un frisson me parcourait le dos
Au beau milieu de la fête
Comme un éclair
Réduisant la danse en sanglot |
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SOLITUDE |
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Un cactus noir
Dans le désert
Frileux le jour
Brûlant la nuit |
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MER STAGNANTE |
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La mer m’attend perdue
Dans un rêve sans fond
Sur la plage un homme
Court derrière son ombre
Au loin les barques somnolent
Sur l’indifférence des eaux
Comme moi les pêcheurs
Rentreront les mains vides |
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BICHE |
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Embusqué dans le silence
J’attends l’éclair de la biche
Qui fend la nuit de l’âme
En quête de la Source |
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POESIE |
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Le trop-plein
D’un silence
Ebloui de Mystère
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ETERNEL COMBAT |
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Tout est lisse et serein
Comme une mer à l’aube
La ville aux yeux rouges
S’étire dans son lit
La merveille renaît
Mystérieux gazouillis
Mais voilà que nous frôle
L’aile noire de la mort
Et que part en fumée
Le miracle des mots
Alors que se ravive
Le combat avec l’Ange |
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PAR HASARD |
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La vie avait pris ses distances
Tout semblait terne et froid
Un regard fulgurant
Par hasard rencontré
Le grenadier qui appelait
De toutes ses étoiles
Lui rendirent
Le cœur chaud
Du monde |
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ULTIMES ECLATS |
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Traversées des frissons
De l’arrière-saison
Les feuilles brusquement
Se détachent des branches
Et voltigent éperdues
Sous les caresses du soleil
Rejoignant à nos pieds
Des rêves consumés
Tristes mégots de regards
Happés par l’Ailleurs |
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CHEOPS |
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Assis sur un banc
Au pied de la Grande Pyramide
Le jeune couple s’aperçut
Que les mots de l’amour s’arrêtaient
Au bord de l’éternelle Enigme
Dans le silence absolu
D’une nuit criblée d’étoiles
Cette merveille que l’on admirait
Dans la lumière du jour
N’était plus que l’ombre
Immense et glaciale de la mort |
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PARADOXE |
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La vie nous enferme
La mort nous descelle |
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EUCALYPTUS |
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Les placides eucalyptus
Respirent le soir en silence
Que sont-ils ces arbres
Qui vibrent au frisson des étoiles
Sinon les témoins d’une évidence dérobée
Jetons les gloses au feu
La véridique lumière
Fleurit sur le mystère |
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CET ENFANT |
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Cet enfant
Qui me suit
Me rattrape
Comme une ombre
Cet enfant
Qui m’habitera
Jusqu’à la main ouverte
Du dernier soupir |
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INCANDESCENCE DE L’ENIGME |
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Parole inscrite en blanc
Dans le feu des entrailles
Fleur mystique au flanc
De l’obscure pythie
D’intimes messages jaillissent
Des forêts de la nuit
Comme filtre soudain l’amour
Des brumes du non-dit |
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A Katia |
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ESPERANCE |
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Ce ravin si désolé
Si sec qu’il avait perdu
Le souvenir de la source
Portait encore en son sein
La splendeur des lauriers-roses |
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PRINTEMPS AMBIGU |
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Du haut de la montagne
Il respirait l’immense vallée
Des champs verts rouges et ocrés
S’étalaient au loin sur la terre ondulée
Libre de son corps et de ses pensées
Il avait oublié l’envers du décor
La lancinante plaie
Blottie au fond de l’âme
Rivière aux eaux obscures
Que l’on entend à peine |
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REVERDY |
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Un vers de Reverdy
Jaillit d’un noir tournant
Alors que nous écrase
Un ciel tissé de sang
Tourbillon de lumière
Sur nos vitres salies |
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HYDRA A MIDI |
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Un ardent soleil consume la mémoire
Nos pas chancellent
Dans l’éblouissement des ruelles
Derrière les volets bleus de maisons immaculées
Veillent en permanence d’antiques secrets
Des chats mystérieux surgissent de nulle part
Etranges et furtives pensées
Mais sur notre passage éclate incendiaire
La joie des bougainvillées |
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PLEINE LUNE A POROS |
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Oh la lune ce soir
Amputée de ses amours
Perdus sous d’autres cieux
Le sourire mué en grosse larme
Suspendue dans le noir
Molle brume du doute
Sur la mer de l’espoir |
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LES MOTS |
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Faut-il les cajoler
Pour saisir leurs murmures
Secrets comme une brise
Ou leur faire violence
Pour en casser la coque
Et recueillir le cri
Ces mots usés qui quêtent
Un regard amoureux
Pour déclencher le feu
Sur les pas du poète |
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FRA ANGELICO |
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L’arbre au corps de danseuse
M’appelle à la belle saison
M’offrant le mauve de ses fleurs
Sorti des mains du Peintre des anges
Don mystique et fugace
Où s’engloutit le temps |
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L’AUTRE RIVE |
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A l’arrêt de l’horloge
La lanterne magique
S’éteindra
Ne survivra alors
Que le ravissement
Pur des cimes
Au loin sur l’autre rive |
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A ma mère, in memoriam |
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LE PONT KASR-EL-NIL |
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La main dans la main
Nous traversions le pont
Le fleuve déroulait sa mémoire
En sombres tourbillons
Nous hélant de ses vastes bouches
Toi la mère moi l’enfant
Mais la peur se fondait
Dans tes yeux d’arc-en-ciel
Et nous retrouvions sur l’autre rive
Le bassin azuré du jardin andalou
Où je pouvais enfin lâcher
Le bateau de mes rêves |
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YEUX |
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Ces yeux de mer et de lumière
Dont la mort a tiré les rideaux
Ces yeux pleins de soleil et de pluie
Miroirs d’amour et de maux inédits
Les retrouverons-nous ailleurs
Astres d’espaces indicibles |
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